DES CHAPITRES EN GÉNÉRAL
ou quelques définitions :
Un chapitre est une assemblée de clercs appelés chanoines, attachés à une cathédrale ou à une collégiale. Le chapitre de Blaison est un chapitre séculier, en opposition au chapitre régulier. Ce dernier est une assemblée de moines qui obéissent à une règle (St Benoît pour les Bénédictins.) au sein d'une communauté fermée, ceinte de murs, qui vouent leur existence à la prière et selon les règles, au silence, au travail, au soin des malades… Le chapitre séculier s'inscrit dans le siècle, vit avec les citoyens au cœur de la cité et, suivant leurs cadres, ont des missions différentes.
Dans les grandes villes, au sein d'une cathédrale, vivait un actif chapitre de la cathédrale, qui, doté de certains bénéfices, était affecté aux différentes chapelles et à leurs saints. La structure était hiérarchisée : les dignités (Doyen, Archidiacres, pénitentier, chantre, maître-école), les chanoines prébendés qui constituaient le Haut-chœur et les chapelains de tout rang qui constituaient le Bas-chœur.
Dans les paroisses rurales, où ont été fondés une collégiale et un chapitre, la vocation de ce chapitre est différente. Les chapitres de fondation seigneuriale ont pour fonction d'assurer la prière perpétuelle auprès des tombeaux des fondateurs. Les membres du chapitre canonial vont se vouer exclusivement au service de la charge pour laquelle ils ont été nommés.
On croyait, à cette époque-là, à la toute puissance de la messe et de la prière pour la santé des corps, la bonne marche de l'agriculture et le salut des âmes. Faute de pouvoir tous construire une église ou une chapelle pour se racheter de leurs pêchés (comme Foulques Nerra) ou le salut de leur âme, les seigneurs, puissants de ce monde ou ecclésiastiques instituaient la fondation perpétuelle d'une ou plusieurs messes hebdomadaires ou mensuelles, ou simplement des messes anniversaire de leur mort appelés obits.
Dans les documents relatifs à l'histoire des chapitres, on trouve souvent cette expression "les chapellenies sont à la présentation et à la collation de" telle ou telle personne. Ces termes valent bien une petite explication : le présentateur était celui qui présentait un candidat à un bénéfice ecclésiastique. La collation était l'acte de conférer une dignité, un honneur ou un bénéfice ecclésiastique. Pour permettre aux religieux de prier, en étant libérés des soucis matériels, chaque canonicat était pourvu d'une prébende, chaque chapellenie était dotée d'un bénéfice, plus ou moins généreux. Ce fut l'un des moteurs de la chasse aux bénéfices qui trouva son apogée entre le milieu du 16ème siècle et celui du 17ème. A ce bénéfice, étaient assujetties certaines conditions qui pouvaient varier suivant les statuts du chapitre : candidat obligatoirement originaire de la paroisse ou du diocèse, charge à transmettre dans le milieu familial du fondateur, obligation de résider dans la chapelle un minimum de temps dans l'année ou présence obligatoire aux offices de grand-messe, vêpres, etc…
LES MEMBRES DU CHAPITRE :
Le chapitre de fondation, sujet de notre exposé, est constitué du doyen autour duquel se regroupent les chanoines, dans l'ordre de leur prérogative et la communauté du chapitre englobe les chapelains, le chapitre et la communauté du chapitre étant eux-mêmes des entités pourvues de moyens propres.
Les chanoines sont des prêtres diocésains tenus à la récitation de l'office canonial au chœur de la collégiale. Ils font souvent figure de prélats, menant des études à l'université, dans des conditions matérielles assez confortables, et ont une vie sociale. C’est une réalité en ville et surtout dans les grandes villes, mais nullement dans les milieux ruraux. Ils constituent le haut chœur c'est-à-dire qu’ils siègent dans les stalles supérieures et ont voix au chapitre. Dans les chapitres importants, le Chantre est, en général un chanoine.
« Les chapelains, desservant d'une fondation, sont, en priorité, destinés à en assurer la charge : dire ou faire dire un certain nombre de messes à l’autel de la collégiale mais c'est aussi sur eux que repose la régularité des offices », et ils peuvent éventuellement cumuler cette ou ces charges avec celle de curé d'une autre paroisse. Ceux qui ont un revenu très modeste vont l'augmenter en célébrant les messes anniversaires qui sont fondées par centaines dans les paroisses à la fin du XVIème siècle. Ils constituent le bas chœur qui siège dans les basses stalles et n’ont pas voix au chapitre.
Certains d'entre eux, peuvent avoir des charges précises : le chapelain de Prime dira toujours la 1ère messe. L’évangéliste, qui est un diacre, est celui qui psalmodiera l’évangile aux messes chantées. L'épistolier, qui est un sous-diacre, est celui qui lira l'épître à la messe. Le sacriste (équivalent du sacristain actuel) a la garde du Trésor de l'Eglise s'il existe. Il prépare les objets nécessaires au culte et aux cérémonies, entretient et orne l’église, énoncées plus haut.
Dans le diocèse d'Angers, ils étaient tenus de se présenter à l'ordination dans l'année qui suivait la collation, s'obligeaient aux charges de leur bénéfice. L’Eglise avait interdit le cumul des charges et des bénéfices, au Concile de Trente (1518-1563). Ce fut appliqué pour les bénéfices ayant charge d’âmes (cures évêchés), mais les autres ecclésiastiques y recouraient de façon quasi générale, soit du fait de la modicité de certains bénéfices, soit par carriérisme. Si dans le diocèse d’Angers, l’évêque Arnaud se fit fort de remettre de l’ordre dans les abus, nous verrons que dans les chapitres ruraux, les bénéfices étaient donnés à des prêtres originaires d’autres diocèses (Rennes, Le Mans).
Dans "la vie paroissiale en France au 14ème siècle" , on lit que "les curés non résidents, qui n'étaient souvent que simples clercs lorsqu'ils recevaient le bénéfice, ne se pressaient guère de recevoir la prêtrise. Aux obligations du sacerdoce, ils préféraient la vie confortable dans les villes…". Ce n'était peut-être pas cet aspect qui prévalait à Blaison.
LES REVENUS DU CHAPITRE :
Lorsque le nouveau chapelain entrait en possession de son bénéfice, il recevait ses droits à la collégiale, le nombre de messes dont il avait la charge et le temporel de sa chapelle composé d'une maison, souvent d’un carré de vigne et de terres procurant des revenus : rentes foncières en nature, en vinage ou en argent, constituant au bout du compte un revenu allant, pour Blaison, de 40 à 120 livres-tournois pour les chapellenies. On verra plus loin que la part des chanoines était autrement élevée. Les revenus des chapelains étaient donc de plusieurs sortes : les revenus de leur temporel qui leur étaient directement versés ; de plus, le fait d’assister à certaines cérémonies procurait un revenu supplémentaire appelé festage ou gaignage, ainsi que les anniversaires qui faisaient l'objet de "distributions manuelles" . A l’inverse, l’absentéisme aux offices était pénalisé, par des retenues sur salaires ! Les revenus des chanoines prébendés étaient constitués, outre leur prébende qui consistait en une maison, en général, assez confortable, de terres, un quartier de vigne, pour leur usage personnel, de rentes en nature qui étaient apportées au chapitre qui les redistribuait une fois par an, au terme d’angevine, dans ce qu’on appelait à Blaison « la distribution générale des grains froment, seigle et argent qui forment le revenu du chapitre et communauté de l’église collégiale de St-Aubin de Blaison. » et qui étaient distribuées suivant un mode que nous évoquerons plus loin.
Sur ces revenus, dont la comptabilité était scrupuleusement tenue, par le receveur, au niveau du chapitre, les bénéficiaires devaient payer la décime qui n'était pas très élevée. Nous trouvons toutefois des chiffres assez étonnants : alors qu’elle aurait dû représenter le dixième des revenus, cette décime avait des valeurs très fluctuantes suivant les personnes ou les chapelles. A titre d’exemple, lors d’une grande manifestation au présidial d’Angers, signant une restructuration des chapitres, en 1769, un état des comptes, revenus et charges, montre des disparités étonnantes et la décime ou dixième des revenus est à géométrie variable ! On peut lire « décime de 4 livres pour un revenu de 155 livres » dans une chapelle et par ailleurs « une décime de 23 livres et 10 sols pour un revenu de 200 livres !»
En 1769, les « Messieurs du chapitre » autrement dit les chanoines avaient un revenu de 529 livres annuelles. Le document dit exactement : « ils payent chacun dix ou douze livres de décime », loin du 10ème mathématique! La décime est une taxe levée par le Clergé de France, sur les biens du clergé. Depuis la seconde moitié du XVIème siècle, le clergé verse un « don gratuit ». Il répartit la somme sur chaque diocèse ; au sein de chaque diocèse, la somme est répartie sur chaque bénéfice. Mais on constate qu’elle est mal répartie et que les chanoines sont sous-imposés. Comme quoi l’inégalité devant l’impôt a derrière elle, une longue histoire ! Mais nous étions dans une période de l’histoire où le clergé bénéficiait de privilèges. Il semble que le haut clergé avait plus de privilèges que les membres du bas clergé.
Les chapelains avaient pour mission d’assurer leurs charges ou leur service à l’église et de faire en sorte que les biens qu’ils détenaient au titre de leur bénéfice rapportent bien la rente qui était fixée dans les titres. Ils exploitaient les terres de leur temporel ou les affermaient par bail dont la durée variait de un à neuf ans, avec des conditions drastiques pour les fermiers. Dans ce cas, outre le fermage que tout métayer doit à son bailleur, le locataire devait en outre payer à un chapelain, vicaire ou curé, les messes rattachées au bénéfice, à raison de 10 sols par messe. C’était rarement une bonne affaire pour lui, surtout si les récoltes étaient mauvaises.
Les revenus des ecclésiastiques étaient des rentes en espèces ou en nature (boisseaux de blé ou seigle). Cette dernière source de revenus était de loin leur préférée, car le cours du blé pouvait fluctuer et parfois atteindre des montants plus intéressants. En effet le boisseau de blé varie, entre 1730 et 1791, de une à trois livres.
Il faut savoir aussi que, pour le même prix au boisseau, les rentes en boisseau, mesure de Blaison étaient supérieures en quantité à celles basées sur le boisseau mesure des Ponts de Cé (qui était la mesure officielle). Un jugement de 1618 « nous a dict que le dict boisseau mesure de blayson est plus grand d’une escullée et demye qui est un douzième et demy mesure des ponts de cé que le dit boisseau mesure des ponts de cé tellement que les treize boisseaux et demy mesure des ponts de cé ne peuvent fayre et revenir que douze boisseaux mesure de Blayson »
Les rentes censives s’appliquaient sur des parcelles de terres appelées frêches attribuées à des paysans, par une autorité féodale ou ecclésiastique. Ils devaient à cette autorité, au terme d’angevine, une redevance annuelle en nature, proportionnelle à la superficie de la parcelle, qui était remise au receveur du chapitre. Les frêches étaient exploitées, librement, par plusieurs paysans. Les actes notariés ou titres que les premiers frêcheurs avaient signés, plusieurs siècles auparavant, engageaient leurs biens propres et ceux de leurs descendants. Quand ils vendaient leurs biens, la rente se perpétrait vers les nouveaux acquéreurs, par un nouveau titre qui les liait au chapitre. Les actes pouvaient être signés par plusieurs bénéficiaires ou cofrêcheurs qui s'engageaient solidairement à rendre la rente. Si, au fil des générations, les héritiers avaient oublié que leurs terres étaient soumises à impôt, les chanoines et le chapitre en avaient gardé la trace dans des registres nommés censiers ou terriers. Les actions de justice pour récupérer les arrérages des rentes étaient monnaie courante. Je n’en ai trouvé aucune au bénéfice des paysans et les sommes en question étaient conséquentes et devaient certainement entraîner la ruine de ceux-ci.
LE CHAPITRE DE BLAISON
Nous ne développerons pas ici, ce qui concerne l’évolution de la collégiale St Aubin. Monsieur André Leroy s'y est employé avant moi . En tout état de cause, en marge du Chapitre, existe la cure de Blaison, qui a également un temporel, donc des revenus qui représentent les émoluments du curé. Parallèlement existe une entité appelée fabrique* dotée d’un temporel qui s’occupe des dépenses de réparations de l’église et d’ornement de la sacristie, l’entretien des cloches et du luminaire…
Il nous faut faire abstraction de la disposition actuelle de l’église.
Jusqu’à la Révolution, la collégiale Saint-Aubin était séparée en deux parties par un jubé, situé à l’emplacement de l’actuelle chaire à prêcher. Adossées à ce jubé, se trouvaient les stalles qui sont actuellement derrière l’autel. Elles avaient au centre une porte qui était fermée et ne s’ouvrait que pour laisser passer les processions mortuaires. L’autel était tourné dans le sens opposé à l’orientation actuelle, c'est-à-dire regardant vers le levant.La partie collégiale réservée au chapitre se situait dans le chœur et le transept, ainsi que dans l’abside qui jouxtait le chœur. La partie paroissiale se situait dans la nef, avec un autel qui devait être décentré. « Chaque dimanche, il y avait grand’messe du chapitre et grand messe de la paroisse. »
On dit de toutes les chapelles du chapitre qu’ « elles sont desservies dans la collégiale Saint-Aubin de Blaison », suivant l’expression consacrée. Qu’est-ce à dire ? Cela signifie que, quelque part dans le chœur et le transept de l’église, s’élevaient autant d’autels ou de simples oratoires où les religieux disaient les messes rattachées à leurs bénéfices.
Du chapitre originel de 1020, les sources s’accordent pour dire combien de membres il comprenait. J. Hiriet, en 1605, dans un ouvrage intitulé « des antiquitez d’Anjou » parle de 4 chanoines et 10 chapelains.
Les 4 chanoines constituaient le Chapitre, siègeaient au Haut Choeur c'est à dire dans les hautes stalles du choeur et bien évidemment avaient voix au chapitre. Le fondateur avait voulu que le Seigneur de Blaison fût le doyen , contre-poids du pouvoir politique sur le pouvoir religieux.
Les 10 chapelains de l'origine, bientôt rejoints par d'autres au fil des fondations de messes et de chapelles, constituaient la communauté du Chapitre. Ils siégeaient aux basses stalles et n'avaient pas voix au chapitre. « L’évêque n’intervenait que pour donner le pouvoir d’administrer les sacrements au curé et aux autres ecclésiastiques qui désiraient aider le curé dans son ministère paroissial » . Il avait la collation sur trois chapelles : Les Ulmeaux, Ste-Croix, et la Boutonnière.
LES ACTIVITÉS RELIGIEUSES DES CHANOINES ET DES CHAPELAINS
Il convient, en tout premier lieu, de distinguer les missions, fonctions et prérogatives des chanoines qui constituent le corps du chapitre et celles des chapelains, monde plus diffus et sans pouvoir réel au sein du chapitre.
Deuxièmement, au sein de cette communauté de chapelains, nous avons constaté qu’au fil du temps, avec les legs et les différentes fondations de messes, le nombre de chapelains augmente de façon importante aux XVIème et XVIIème siècle. Il semble que le chapitre de Blaison « absorbe » les nouvelles chapelles ainsi créées car on lit dans tous les documents d’archives consultés qu’elles sont desservies dans la collégiale St-Aubin de Blaison.
Selon les sources de C. Port, on annonce que les chapelles primitives étaient tenues à 2 messes hebdomadaires. Nous constatons que ce nombre diminue au fil du temps.
Nous n’avons pas trouvé dans les archives G des ADML de registres de délibérations, qui étaient souvent déposées chez un notaire.
FONCTION DES CHANOINES
Dans un petit chapitre comme celui de Blaison, la mission des chanoines est d’assurer le service divin soit les sept messes de l’office canonial : laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres, complies, auquelles l’ensemble du chapitre était censé participer ou officier. Du fait des cumuls de bénéfices, nous avons vu que c’était loin d’être le cas. En effet les chanoines et curés pouvaient briguer d’autres bénéfices et passer du chapitre à la cure ou inversement.
L’Eglise a fermé les yeux sur les nombreuX abus des ecclésiastiques, à propos des cumuls et de certaines pratiques dissolues dans les abbayes et les écarts de conduite des chanoines dont l’appât du gain les plaçait à cent lieues d’un vœu de pauvreté prononcé lors de leur ordination. Toutefois, évêque du diocèse d’Angers entre 1652 et 1692, Monseigneur Arnaud, s’appuyant sur le concile de Trente, mena un combat incessant contre les abus des chapitres, en renforçant les prérogatives des prêtres. Il réussit à imposer que les prêtres restent dans leur cure en renforçant leurs prérogatives par rapport au chapitre.
FONCTION DES CHAPELAINS
Pour ce qui concerne l'activité religieuse proprement dite des chapelains du chapitre de Blaison, nous apprenons en quoi consiste leur charge, au moment où le chapitre va rendre des comptes à l’évêché, peu de temps avant la révolution. En 1769, au moment où l’on fait le point sur les revenus des chapelles, le rapport énonce leurs charges, c'est-à-dire à quoi étaient tenus les bénéficiers : célébrer un certain nombre de messes dans l’année : entre 12 et 67 par an. Chaque messe était rémunérée 10 sols (une demi-livre). Ce revenu rentrait dans la comptabilité du chapitre, à la colonne des charges. Mais en fait, tout ceci n’était qu’une écriture comptable et le chapitre ne rémunérait pas ces messes aux chapelains. Par contre si la charge était déléguée à un autre ecclésiastique, c’est la somme d’argent qui devait lui être payée.
Le dossier G1271 des ADML, concernant le chapitre de Blaison, donne la fondation de différentes messes pour les différentes chapellenies, ainsi que des testaments de quelques uns des chapelains, parmi les plus anciens, avec les messes anniversaires à célébrer pour le salut de leur âme.
Hormis ces offices d'obit*, le nom des chanoines apparaît sur les registres paroissiaux des sépultures de la fin du XVIème siècle.
Odile Ozange