Elle existe aussi bien en ville qu’en campagne, concerne les 3 ordres de la société : clergé, noblesse et tiers état. Elle porte sur les terres.
Le principe fondamental du système féodal d’abord et seigneurial ensuite est : Nulle terre sans seigneur. Primitivement les alleux sont exclus de ce principe puisque ce sont des terres franches. Par la suite, le roi Louis XIV a proclamé sa « directe universelle » ce qui revient à dire que, s’il n’y a pas de seigneur sur une terre, il en est automatiquement le suzerain.
La seigneurie est donc basée sur le principe féodal : « je te sers, tu me protèges ». Je suis ton vassal, tu es mon suzerain. Le seigneur peut être un homme ou une femme, un laïc ou un ecclésiastique, un individu ou une communauté.
Les seigneuries sont des objets commerciaux : elles font l’objet de vente, de loyer, d’achat.
La propriété, du XVI au XVIIIème siècle est de deux ordres :
-propriété éminente : appartient au seigneur. Ce sont les droits attachés à la terre qu’il achète, quand il achète un fief.
-propriété utile : appartient au propriétaire. Sur une seigneurie de 5 000 hectares, une grande partie de la propriété utile échappe au seigneur.
Toute seigneurie recouvre 3 éléments : la terre, le fief, la seigneurie.
-la terre c'est-à-dire la réserve ou le domaine du seigneur sur lequel il a gardé toute la propriété (utile et éminente).
-Le fief : c’est la partie sur laquelle il peut exercer sa prééminence ou sa directe : la mouvance.
-La seigneurie lui permet d’exercer des pouvoirs de commandement : le ban, la justice, la police.
1. la terre : ce sont le château, le parc, les forêts, prés, les terres réparties en exploitation (closeries ou métairies).
2. la mouvance : On distingue 2 types de terres
- Les fiefs ou terres nobles (qui ne confèrent pas obligatoirement des titres de noblesse, « le fief ne lavant pas de la roture») concédés à un vassal.
- Les tenures ou censives qui sont détenues par des censitaires. Le cens est en argent et représente 1 denier par quartier d’arpent soit 4 deniers par arpent (environ 1/2 ha) ou en nature (le champart) partie de la récolte. Le censitaire doit cultiver la terre.
Revenons à cette partie assez complexe qu’est le fief, par le biais des droits et devoirs, ceci s’entend à sens unique, droits des seigneurs, devoirs des vassaux.
LE FIEF ET LA SEIGNEURIE
I. DROITS ET DEVOIRS
Ils peuvent être fixes (annuels) ou occasionnels (casuels). Ils peuvent être utiles (valeurs financières en espèces ou en nature) ou honorifiques (qui reconnaissent la valeur du seigneur.)
LES DEVOIRS
* Le détenteur du fief ou vassal doit la foi et l’hommage qui doivent être rendus lorsqu’il y a changement de vassal ou de seigneur. Il doit faire la démarche d’aller au château avec les gestes et les mots traditionnels. Cet acte est consigné dans un acte notarié : l’aveu et dénombrement de ce qui constitue leur fief.
Exemple : « De vous très haut et très puissant prince le Roy de Jérusalem et de Sicile, duc d’Anjou et comte du maine, je Guy sire de Rays et de Blazon, congnoys (reconnais) estre votre homme de foy lige(2) au regard de votre chastel et chastellenie de Saumur par raison et à cause de mes chastellenies et terres de Blazon et Chemellier… », ce qui veut dire dans un français contemporain : « comme je possède les terres de Blaison et de Chemellier, fief de votre seigneurie d’Anjou, je suis votre vassal et promets de vous servir envers et contre tous, vous duc d’Anjou qui siégeait dans votre château de Saumur, parce que vous êtes mon suzerain(3). »
S’il est reconnu comme faux, il peut être désavoué par le suzerain et l’aveu doit être refait (nouveaux frais).
Quand le fief change de propriétaire, il faut payer, au seigneur, un droit de mutation : les lods et ventes (sommes importantes qui correspondent environ au 1/5 du revenu de la terre.
* les censitaires ne doivent pas foi et hommages mais la reconnaissance et un dénombrement de leurs héritages(4) . Le cens est un droit imprescriptible : même s’il n’est pas payé, il est imprescriptible. Après plusieurs années d’impayés, (inférieur à 30) le seigneur peut réévaluer le cens. Le cens peut être payé collectivement : en Anjou et en Touraine, il existe des terres, les frêches (ou fréresches)(5) . Et on peut trouver dans des actes notariés des « conférences de frêche » : chaque cofrêcheur vient dire devant notaire quelle part de la frêche il possède. Ca permet de calculer le prorata du cens, suivant sa part de propriété. Quand le propriétaire ou le seigneur change, il donne y avoir un nouveau titre. Le cens est un devoir annuel rendu en espèces ou en nature (blé, vin, poule ou chapon), à une date précise, fixée dans le titre.
LES DROITS SEIGNEURIAUX
Le seigneur a le pouvoir de justice avec les trois piliers, aidé en ceci par le juge (baillis ou sénéchal) et le procureur fiscal.
Il détient les signes apparents de la justice :
•L’auditoire de la justice,
•Les fourches patibulaires.
•Il exerce le droit de police sur le finage(6) : il surveille que les poids et mesures ne soient pas faussés ; il est garant de l’ordre public.
•Il a le monopole d’outils économiques dont celui du moulin banal, le four et le pressoir (pas en Anjou mais en Touraine).
•Il a le pouvoir de ban (proclamation à cri public) ; il peut décider du ban des vendanges (ça peut être après l’expertise d’une assemblée d’habitants)
•Il a des droits de marché (minage, étalage, péage)
•Il a le monopole du colombier, de chasse, de pêche, il a droit de garenne.
•Il peut appliquer la taille seigneuriale (rarement) et les corvées (limitées).
•Il a des droits honorifiques notamment de banc à l’église, le droit de litre(7) et le droit d’enfeu.
•Un droit de quintaine (qui tombe en désuétude et dont on ignore l’origine) : ce sont des usages qui concernent les jeunes mariés ou les apprentis. Les nouveaux mariés doivent apporter au seigneur une pelote (boule de fleurs), une cruche et en échange le seigneur devait leur donner un tronc de peuplier (pour faire le berceau du 1er né) et une bouteille de vin pour la femme.
•Les assises (ou plaids) : les seigneurs peuvent tenir leurs assises ou plaids pour faire rendre par leurs censitaires, reconnaissance et dénombrement.
Dans l’aveu de 1405, nous retrouvons certains passages qui viennent illustrer tels droits ou devoirs.
Page 1 : « droit de mectre mesures à blez et à vin, droit de forfaitures(8) , aventures(9), coustumes, trespaz et acquitz tant par la rivière de loyre que ailleurs, droit d’avoir épaves et aubenages et des choses qui en déppendent et droit de forbannir de rappeler et de mettre cas criminels en cas nulz et iceux cas criminelz remectre et pardonner tant par gaige damande que autrement …., droit d’avoir et user sceaulx et contracts pour toutes mes dites chastellenies et marché en ma dite ville de blazon par chacun dimanche de l’an (…) droit de patronage de donner les prébendes chapelles et autres bénéfices de l’église collégiale de blazon et généralement d’user de toutes justices, haultes, moyenne et basses et de tous les droiz qui en dépendent et peuvent dépendre tant es grands chemins des dites chastellenies et terres que ailleurs au-dedans des dites chastellenies ». Voir la suite dans le livre de Monsieur Leroy où il a transcrit de longs extraits.
Page 8 : « s’ensuit la déclaration des cens, rentes services tailles et autres revenus par denrées. Et premièrement à l’Angevine m’est deu à cause de ma dite chastellenie de blazon la somme de soixante cinq solz ou environ que les gentilz hommes de ma dite chastellenie me doivent chacun an oultre les services qu’ilz me doivent…
Page 14 « Item Messire geffroy de la grézille est mon home lige à cause de jehanne de brézé sa feme à cause de son herbergement et appartenances de longueville et m’en doit vingt solz de loiaulx aides quand le cas y avient et quinze jours de garde à mon dit chastel de blazon. Item le dit sieur de la grézille à cause de sa dite feme est mon home lige à cause de onze livres dix solz de rente qu’il prent chacun an sur le port de vallée et à cause du four à ban de la ville de blazon et du péage des denrées qui passent trespassent par ma dite chastellenie de chemelier et par le pont de mont cenis et les amendes et jugements de ceulx qui trespassent ou mal acquittent par les dits lieux m’appartiennent ainsi que dit est dessus et m’en doit soixante solz de loiaulx aides quand le cas y avient et quinze jours de garde à mon dit chastel de blazon. »
Odile Ozange